Être passionné par la neuropsychologie et les maladies complexes comme Alzheimer n’exclut pas d’être un excellent communicateur scientifique, c’est ce que nous démontre Étienne Aumont, fondateur de Sciences 101. Son but est d’aider la communauté étudiante à mieux communiquer la science avec différents formats. Compte-rendu d’une discussion inspirante sur son parcours, l’organisme qu’il a fondé et les projets à venir.

Bonjour Étienne ! Merci de prendre un peu de ton temps pour nous parler de Sciences 101 qui vise à faire la promotion de la vulgarisation scientifique auprès de la communauté étudiante. Pourrais-tu te présenter et nous expliquer les circonstances dans lesquelles tu as commencé à t’intéresser à la vulgarisation scientifique ?
Je suis étudiant en quatrième année au doctorat en neuropsychologie à l’UQAM et fondateur de Sciences 101. Mes recherches portent sur l’étude des biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer. Dans le cadre de ma maîtrise, j’ai écrit un article de vulgarisation scientifique dans la revue DIRE. En voyant les commentaires sur ma première version, j’ai réalisé qu’en tant qu’étudiant-chercheur, je n’étais absolument pas équipé pour communiquer la science. J’ai beaucoup appris lors de la révision de cet article, et en arrivant à l’UQAM, j’ai été surpris par le manque de formation pour permettre aux étudiant.e.s d’apprendre à faire de la communication scientifique. Je me suis vite rendu compte que je n’étais pas le seul à faire ce constat. J’ai notamment eu l’occasion de rencontrer des personnes à l’université qui étaient motivées à l’idée de lancer une initiative pour favoriser la communication scientifique étudiante. J’ai décidé de prendre le leadership du projet et l’idée derrière Sciences 101 s’est concrétisée très rapidement.
Dès les premiers balbutiements de l’organisme, il y a beaucoup d’intérêt et des bénévoles se sont joints pour faire avancer le projet. On a décidé ensemble de la mission officielle de Sciences 101 : faire la promotion de l’acquisition de compétences en communication scientifique chez la communauté étudiante.
Comment a été accueillie l’initiative dans la communauté étudiante et dans le milieu de la communication scientifique ? Quels sont les obstacles lorsque l’on veut monter un projet qui vise la promotion de la vulgarisation scientifique ?
On a eu vraiment beaucoup de succès auprès de la communauté étudiante: elle était au rendez-vous dès les premières activités de lancement et formations ! À notre première activité, une soixante de personnes ont assisté à une formation que nous donnons maintenant chaque année grâce à Alexandre Guertin-Pasquier. On a aussi pu compter sur l’appui de plusieurs figures du monde de la communication scientifique comme Sophie Malavoy, Carine Monat et Yanick Villedieu pour diversifier nos formations. La facilité du recrutement de bénévoles et la popularité de nos activités ont démontré l’intérêt envers la communication scientifique et le manque de formation offerte à la communauté étudiante de l’UQAM.
C’est sûr qu’au début de l’aventure, beaucoup de contacts et de réseautage ont été nécessaires pour permettre à Sciences 101 de prendre de l’ampleur. C’était chronophage et cela a demandé beaucoup d’investissement personnel. Il a aussi fallu créer toute une structure pour l’organisation et imaginer des postes et des tâches en partant de zéro. Cela a pris du temps pour comprendre les rouages derrière une organisation et attribuer les rôles à chaque membre de l’équipe. Au tout début, on avait peu de moyens; c’est difficile de financer un projet sans avoir de résultats qui démontrent notre capacité à le réaliser! C’est pourquoi nous avions décidé de lancer une campagne de sociofinancement pour produire le premier numéro de la revue. Le financement est arrivé avec des résultats probants. Le lancement de la revue en septembre 2019 fut notre grand coup d’envoi pour ça.
Fort de son succès, l’organisme a bien grandi ! Peux-tu nous expliquer en quoi consiste Sciences 101 après deux ans et demi d’activités ? Quels sont les différents volets qu’offre l’organisme et sont-ils tous dédiés spécifiquement aux étudiants de l’UQAM ?
Oui! Je suis très fier du travail que mon équipe a accompli depuis! Aujourd’hui elle est composée de 13 personnes et nos activités se divise en quatre grand volets :
- La formation : Chaque année nous offrons environ trois formations et trois conférences ouvertes au public
- Le revue : La revue La Fibre est publiée 2 fois par an au début de l’automne et du printemps. Elle est diffusée via notre site web et, lorsque possible, en version imprimée dans nos événements en présentiel.
- Le concours annuel de vulgarisation pour les communications scientifiques non écrites telles que vidéo, BDs, infographies, balados
- Les Bistrobrain : Des soirées 5@ 7 tous les mois dans des bars qui seront de retour cet automne
Notre public cible numéro 1 est la communauté étudiante de l’UQAM mais nos activités sont ouvertes aux personnes de toutes universités, en espérant pouvoir inspirer les communautés étudiantes d’autres universités !
Parle-nous un peu plus de la revue La Fibre qui est au cœur de l’organisation. Pourquoi avoir choisi de lancer une revue et non pas, par exemple, une chaîne youtube ou un balado qui sont très en vogue ?
L’écriture c’est moins menaçant que de produire une vidéo! La familiarité fait qu’il est plus simple de convaincre quelqu’un d’essayer l’écrit, même si ce n’est pas nécessairement plus facile! Un article de vulgarisation scientifique est tellement différent de ce qu’on écrit habituellement qu’il faut réapprendre à écrire. Néanmoins, on peut faciliter ce réapprentissage par les commentaires du comité de révision et notre accompagnement pour la préparation des articles pour la revue. Ce n’est pas aussi simple de développer une communication de manière itérative dans un autre média. Dans bien des cas, il faudrait tout recommencer, mais pas à l’écrit, ce qui le rend très propice à l’apprentissage.

Une recommandation de lecture pour découvrir la revue La Fibre : Les bactéries, des alliées à double tranchant par Maude Hamilton
Maintenant que l’organisme est bien implanté à l’UQAM, quelles sont les perspectives d’évolution ? Qu’est-ce que vous aimeriez développer ?
Le fait que Sciences 101 soit un OBNL nous permet d’envisager de lancer des initiatives dans d’autres universités. On souhaite développer la communication scientifique au-delà de l’UQAM par le biais de nos réseaux. C’est plus lent que lorsqu’on peut le faire directement soi-même, mais on y travaille! Dans environ deux ans, on vise à devenir un regroupement d’envergure reconnu par l’UQAM. Cela permettrait d’avoir accès à d’autres financements pour proposer des bourses, engager des employés, créer de nouveaux projets de communication scientifique, et de pousser plus loin tout ce qu’on fait pour l’instant.
J’aimerais recueillir tes impressions par rapport à cette aventure : qu’est-ce que l’expérience de Sciences101 a apporté à ton parcours étudiant ?
J’y ai appris le leadership et l’entrepreneuriat. Je ne m’étais jamais lancé dans un projet à l’aveugle avant cela. Les 3 dernières années, mais particulièrement la première, furent pleines de rebondissements, de succès comme d’échecs et de contrecoups. J’ai dû apprendre à improviser face aux imprévus et à prendre les choses en main lorsque nécessaire. Ce fut toute une évolution, comme j’étais une personne plutôt timide.
Comme étudiant spécifiquement, j’ai pu développer un réseau, me démarquer par mes initiatives, et avoir une certaine reconnaissance des organismes subventionnaires, qui ont un regard favorable face au leadership et à la communication scientifique dans les demandes de bourses. Je pense que cela s’applique tout autant aux chercheurs dans leurs demandes de subvention, leur besoin de savoir vulgariser, de gérer un laboratoire et d’encourager les idées des membres d’un laboratoire tout en donnant le sentiment qu’ils ne sont pas seuls et sans direction dans leur formation scientifique.
Étienne aumont, au sujet de son expérience
Quels conseils donnerais-tu aux lecteurs et lectrices qui hésitent à se lancer dans l’entrepreneuriat scientifique ou dans la vulgarisation, lequel serait-ce ?
En premier lieu, je recommande de formuler une mission primaire. À partir de là, si on voit qu’il y a un besoin en lien avec cette mission, alors il faut développer un plan d’action : comment lancer le projet avec peu de moyens au début afin de montrer qu’on peut le faire, qu’on a les moyens et l’expertise. C’est là que le financement deviendra plus facile à obtenir. Aussi, il ne faut jamais négliger le financement, c’est le nerf de tout projet entrepreneurial! Finalement, il faut être prêt.e à improviser : même quand les choses ne se passent pas comme prévu, c’est souvent possible de transformer cela en réussite si on sait s’adapter adéquatement!
Vous avez un emploi ou un passe-temps en lien avec la communication scientifique? Vous souhaitez le faire découvrir? Contactez-nous pour une entrevue!